La région de Potobamba se situe entre le Salar d’Uyuni (anciens lacs salés de l’Altiplano), le Lac Poopo et les vallées, entre les villes espagnoles : La Plata-Sucre, Potosí, Chayanta et Tarija. C’est une zone stratégique de contacts.
La communauté d’El Terrado a pour origine l’établissement d’une hacienda au tout début du 16ème siècle. Il est évident qu’à l’origine, l’emplacement de l’hacienda a été choisi en raison de la proximité des meilleures terres et du passage du Camino Realentre La Plata (Sucre) et Potosí. Durant la période inca, le commerce et les communications dans les Andes se font au long de l’important réseau de chemins empierrés résistant aux intempéries, où courent les messagers au service de l’administration inca, les chaskis, et où se situent les relais, les tambos.
Le chemin Potosí-Sucre était si fréquenté au début du 17ème siècle que, sur la distance de 18 leguas (170 km) entre Potosí et La Plata, se trouvaient 18 tambos, « sans les autres petits tambos pour les indiens » (Ramirez del Aguila, 1639 [1978] : 42). En venant de La Plata se trouvent notamment « (…) celui du pont du Cachimayo, de la Calera, deux sur le Pilcomayo, avant et après le pont, deux à El Terrado (…) » .
Durant la période allant de la conquête jusqu’au réforme de Toledo en 1575, les ayllus de Tacobamba connurent des processus de destructions sur divers points. A la suite de ses visites, enquêtes détaillées, entre 1570 et 1580, le Vice Roi Toledo remodela les communautés préhispaniques. A partir de 1573, il regroupa en nouveaux villages, les reducciones, la majeure partie de la population indigène. Cette initiative avait pour objectif de faciliter la collecte du tribu et de contrôler la population indienne qui vivait jusque là dispersés dans leur communauté. Ce regroupement en villages, comme Potobamba, ne reconnaît pas l’organisation traditionnelle des populations : les réformes de Toledo modifient l’organisation territoriale de l’ensemble de la région.
Les nouvelles localités sont construites le long des voies de communications, toutes selon le même modèle : une place centrale carrée sur laquelle se trouvent une église et un édifice municipal. Les rues et les pâtés de maisons sont tracés au cordeau selon un plan en damier.
Un document de 1626 relatif à l’hacienda d’El Terrado, indique l’existence de moulins et de vignes les rives du Pilcomayo abondent de jardins. Aujourd’hui l’emplacement des moulins et les traces d’exploitation sont visibles : la huerta, le canal, le lieu de la retenue d’eau, aujourd’hui comblée, et deux meules, l’une dormante ou gisante (meule inférieure) et l’autre tournante (meule supérieure). Celles-ci sont en grès rouge, d’environ quatre vingt centimètres de diamètre et une trentaine de centimètres d’épaisseur. La meule inférieure est piquée ou rhabillée (rayons taillés sur la surface travaillante). En 1708, une archive confirme la présence d’un canal menant aux moulins.
La période suivant l’indépendance consolide les grandes propriétés. Les communautés indiennes cessent d’exister et les indiens deviennent de petits propriétaires exploitants, vulnérables face aux grands propriétaires. Beaucoup cèdent leurs parcelles dans de mauvaises conditions financières.
Le 20 novembre 1883, date de création de la Province de Linares, Betanzos est rattaché à cette province. Le décret du 6 novembre 1925 crée la nouvelle province de Cornelio Saavedra, divisée en trois sections municipales : Betanzos, Chaqui, Tacobamba.
Au début des années 1880, Saturnino Roso, prêtre à Potobamba et Tacobamba, achète l’hacienda d’El Terrado. En 1884, il désigné curé à El Terrado. Il devient donc à la fois propriétaire de la « Finca d’El Terrado » et curé de cette même propriété.
Au début du 20ème siècle, l’hacienda couvrait une étendue beaucoup plus grande qu’aujourd’hui : El Terrado et Maran K’hasa n’était qu’une seule et même hacienda. La division en deux communautés distinctes surviendra à la mort de ce curé. Celui-ci marqua tellement l’histoire d’El Terrado par les nombreux conflits et sa présence en tant qu’hacendado que, pour les terradeños, la communauté n’avait pas d’existence antérieur. Aujourd’hui encore, à travers ses héritiers directs (notamment sa petite-fille), la main-mise sur la population et son omniprésence se font encore ressentir.
Les habitants d’El Terrado racontent qu’à l’époque de l’hacienda, leurs parents et grands-parents servaient gratuitement les propriétaires, les « patrons » comme ils les appellent toujours. Les campesinos expliquent que leurs parents se sont battus pour leur liberté et que les propriétaires ne sont pas partis facilement. Au moment de redistribuer la terre selon la Réforme Agraire de 1953, aucun accord n’est recherché entre les propriétaires et les campesinos pour unifier les parcelles.
Les compensations prévues pour les uns et pour les autres ne furent jamais distribuées. Cette situation ambiguë dura dix ans. Les habitants racontent que des techniciens de Institut National de la Réforme Araire arrivent à El Terrado en 1961 (les documents de l’INRA – Potosí concernant le canton de Potobamba l’attestent) avec des topographes. Ils réalisent des plans généraux de la communauté et donnent une partie des terrains à ceux qui les cultivaient et une autre partie à la communauté. En 1963 les paysans reçoivent gratuitement leurs titres de propriété (date figurant sur les documents de propriété). Cette redistribution des terres, huit ans après la déclaration de la réforme agraire, se déroule alors que les propriétaires de l’hacienda y vivent encore.
La Loi de Participation Populaire du 20 avril 1994 a comme objectifs de permettre l’amélioration de la qualité de la vie des habitants à travers leur participation aux prises de décision. La communauté d’El Terrado obtint la personnalité juridique depuis le 29 avril 1997 afin de pouvoir obtenir des financements pour des objectifs collectifs à travers cette loi. Ainsi, les habitants établissent, chaque année, des projets qui sont transmis à la municipalité de Betanzos. Si les autorités municipales choisissent et retiennent un projet, elles établissent un programme et passent un contrat avec les entreprises exécutantes.
En 1996, le gouvernement veut approuver la loi du Service National de Réforme Agraire instaurant l’Instituto Nacional de Reforma Agraria (INRA), celle-ci laissant craindre aux agriculteurs un retour en arrière, ils s’y opposent. Le gouvernement cherche, officiellement, à travers cette réforme ambiguë, à améliorer le fonctionnement de la réforme agraire. La loi Inra est cependant adoptée et promulguée en octobre 1996. Le cadastre des terres prévu par cette dernière, débute en mai 2004 dans la communauté d’El Terrado comme dans toutes les communautés dépendant de la sous-centrale de Vila Vila.